Voile

 JGL : Vue d'ensemble voiles noir et blanc
JGL : Vue d’ensemble voiles noir et blanc

Le voile & les cheveux sont intimement liés.
Partout & de tout temps les cheveux furent un élément essentiel de la beauté féminine.
Ève comme Vénus sont représentées avec une chev
elure longue & opulente, dont le rôle est majeur dans le jeu de la séduction .

Est-ce parce qu’ils redoutaient de succomber à cet attrait en y laissant une partie de leur pouvoir & de leur domination que les hommes ont réagi?
Ou fallait-il faire écran à la puissance générative qui rayonne à travers les cheveux?
Le voile trouve son origine dans les traditions, mœurs & habitudes de décence ancestraux, plus que dans des prescriptions théologiques directes, même si ensuite les religions monothéistes se le réapproprieront.
Il y a 3000 ans déjà, le roi assyrien Téglath-Thalassar I ordonnait aux femmes libres de couvrir leur chevelure lorsqu’elles quittaient leur demeure. Les jeunes promises devaient aussi se voiler pour signifier qu’elles n’étaient pas disponibles.
Le voile est donc à l’origine, un signe de respectabilité & non un symbole religieux.
Le voile classe & différencie les femmes : prostituées & esclaves ne peuvent le porter & doivent sortir la tête nue & les cheveux libres de toute attache.
En cachant leur chevelure les femmes de l’antiquité révélaient leur état de femmes « libres », & aussitôt affranchies, les esclaves s’empressaient de l’adopter, signifiant ainsi leur nouveau statut.
Cette distinction perdure jusque dans la deuxième partie du siècle dernier. Sortir « en cheveux », c’est à dire sans foulard ni chapeau, était mal vu & apparenté à un mode de vie non respectable.
Destiné à distinguer les femmes honorables, le voile fait ensuite partie du costume des grecques & des romaines.
Elles portent le peplos ou l’himation qui sont deux sortes de châles. Gage d’honorabilité, se voiler avait aussi un sens spirituel & symbolique. Lors des cérémonies nuptiales la fiancée, comme certaines prêtresses lors de rites initiatiques, étaient enveloppée d’un voile.
Cela avait une valeur symbolique de séparation qui sera reprise par les latins & les juifs.
Dans la Rome antique, la distinction entre le voile féminin traditionnel & le voile religieux se retrouve. Cet un objet essentiel des rites de sacrifice pour signifier son humilité & son âme cachée dans son corps.
Le voile est associé au mariage: le verbe nubere signifie « voiler ». « Se marier », c’est  « prendre le voile ». En latin nupta littéralement  « voilée »  signifie « épouse », & nuptiae,  « mariage » qui a donné le français noces et peut se comprendre comme l’acte de « voilement » de la mariée.

Symbole féminin par excellence, le voile se répand dans les pays du judaïsme, du christianisme & de l’islam.  Les femmes juives, une fois mariées doivent se voiler, par respect pour leur mari, afin de ne pas susciter le désir chez d’autres hommes que lui.
Pour la femme chrétienne, la prescription religieuse dictée par St Paul & reprise par Tertullien fait de la coutume du voile une obligation. Elle montre sa soumission à son époux & à Dieu.
Les femmes musulmanes doivent elles aussi couvrir leur cheveux.
Velum vient de vestis qui signifie « vêtir », il désigne une coiffure féminine mais aussi le rideau du temple, rejoignant Hijab qui veut dire en arabe « ce qui sépare deux choses ».

Le voile sépare la vie privée de la vie publique, le sacré du profane. Il est ce qui cache quand on le met & ce qui révèle quand on l’enlève.

Outre ces fonctions sociales & religieuses, le voile a un rôle protecteur contre le soleil, le vent ou la poussière. Lorsqu’il voile le visage, la pâleur de la peau, qu’il permet de conserver, va également devenir un signe de distinction entre les femmes de différentes classes.

Le voile scande le temps individuel en marquant la sortie de l’enfance, mais aussi le temps social en suivant les changements de la mode, & en se référant à la mémoire collective du groupe.
Dans le passé chaque groupe de femmes confectionnait son voile de chevelure selon son rang. La variété des modèles traditionnels en témoigne.
Aujourd’hui, les femmes qui le portent, offrent encore au regard une riche palette de couleurs, de matières & de formes.
Du Magrebh au Machrek, de l’Inde à la Mongolie, de l’Oubékistan à la Turquie les foulards & les voiles se déclinent dans la différence.

Le voile est ce qui cache & révèle, ce qui sépare le privé & le public, ce qui scande le temps individuel & social.
Cette thématique du voile m’a inspiré trois œuvres : «Voile blanc, Voile noir & Voile rouge».